Homélie prononcée le 13
Mai 2007 en l’église notre Dame et saint Thiebaut de Gorze, lors
de l’assemblée du clergé.
Mon homélie de ce jour sera en deux parties, qui n’auront, en
apparence, pas de sujet commun…
Tout d’abord, comme nous devons tout à l’heure consacrer
le nouveau Saint Chrême je voudrai vous parler plus particulièrement
de cette huile sainte, la plus vénérable des trois huiles sacramentelles.
Le Saint Chrême est la seule des trois qui soit exclusivement consacrée
par l’évêque. Les deux autres sont bénies par les
prêtres : l’Huile des Catéchum ènes est bénie
le samedi de la Résurrection de Lazare - appelé aussi en Gaule
« samedi de l’Onction » car on chante ce jour-là
l’Évangile de l’onction à Béthanie ; l’huile
des Malades est bénie le mercredi saint au soir, comme beaucoup d’entre
vous le savent.
Le Saint Chrême sert pour le Sacrement du Baptême, de la Chrismation,
la bénédiction des Eaux baptismales, la consécration
des Églises et le sacre des évêques. Il porte le nom même
du Christ « sanctum chrisma » c’est-à-dire sainte
onction puisque Christ, je vous le rappelle signifie « oint »
« consacré par l’onction » traduction grecque de
l’hébreu « messie ». Le Saint Chrême est l’onction
par l’excellence. C’est un mélange d’huiles parfumées
qui nous imprègne pour que nous devenions la bonne odeur du Christ
pour Dieu (2Co 2*15).
Il existe dans l’Église plusieurs recettes pour la confection
de ce mélange d’huiles. La plus celle simple est celle de l’Église
de Rome – deux huiles seulement – la plus complexe est celle de
l’Église byzantine – plus de 50 huiles différentes.
Dans notre Eglise des Gaules nous avons choisi une recette plus symbolique
n’utilisant que sept huiles citées dans les Écritures,
comme les sept dons du Saint-Esprit : l’huile d’olive, le Baume
de Galaad cité par le prophète Jérémie (8*22),
l’huile de Cèdre du Liban, d’Hysope, d’Encens, de
Myrrhe et de Romarin Camphré.
Par cette composition symbolique le Saint Chrême manifeste la plénitude
des Dons du Saint-Esprit. De même que l’huile imprègne
tout ce qu’elle touche, ainsi par le Saint Chrême, l’Esprit
Saint descend et pénètre les êtres consacrés à
Dieu et les fait participer à l’onction du Christ, selon la parole
du prophète Isaïe : « L’Esprit de Dieu repose sur
moi, car Il m’a consacré par l’onction pour annoncer la
Bonne Nouvelle aux pauvres… ». Le Saint Chrême fait de nous
des hommes dignes de porter le nom de chrétiens – c’est-à-dire
« d’oints », des rois et des prêtres, des temples
vivants du Saint Esprit.
À présent je voudrais vous dire quelques mots sur la célébration
de ce jour : la nouvelle fête de la Sauvegarde de la création.
Cette célébration a été instituée pour
à l’origine par le Patriarche Bartolomée de Constantinople
en 1989 ; ce hiérarque était (et est encore) très investi
dans le mouvement écologique ; il a donc créé cette fête
que le patriarcat célèbre le 1er Septembre, qui correspond dans
son rite au début de l’année liturgique (d’une certaine
façon le mémorial de la création du monde).
Pour ce qui nous concerne j’ai assigné cette liturgie au mardi
des Rogations. Je m’explique : Les Rogations sont trois jours de prières
ferventes que Saint Mamert évêque de Vienne a institués
en 470 à la suite d’une série de catastrophes naturelles
– séismes, inondations, épidémies et incendies
– les Gaulois ont toujours eu peur que le ciel leur tombe sur la tête…
Cette fête, d’abord locale, a été étendue
à toute la Gaule par le concile d’Orléans de 511 ; ces
trois jours de prières ont été placés là
parce qu’ils suivent le 5ème dimanche après Pâques,
dimanche où l’on lit dans l’Évangile cette parole
du Seigneur Jésus : « Demandez et vous recevrez ! » (demander
se dit en latin Rogare) Ces Rogations ou « demandes instantes »
montrent de manière évidente les liens entre le ciel et la terre,
entre l’esprit et la matière.
De nos jours notre rapport à la nature a changé ; nous savons
dans une certaine mesure nous protéger contre les catastrophes naturelles,
mais nous avons pris consciences que nous en produisons d’autres –
plus graves – par notre imprudence en dégradant la nature, en
pillant nos ressources naturelles, en polluant la planète.
Ma réflexion sur ce sujet se nourrit de la pensée de l’un
des plus grands penseurs du XXème siècle : le Père Pierre
Teilhard de Chardin.
Créé par Dieu l’univers reflète la divine sagesse,
la beauté et la vérité divine. Déjà saint
Irénée au IIIème siècle écrit : «
L’Esprit-Saint fait évoluer les diverses forces vers leur plénitude
et leur beauté. » Le Père Teilhard dans une synthèse
fulgurante décrit la place de l’Homme dans l’univers :
dès la Genèse Dieu a confié la création à
l’homme, l’homme comme une flèche désigne dès
lors le sens de l’évolution. Il est placé par Dieu «
au milieu » du monde dans sa trajectoire vers Dieu. L’homme est
solidaire de la création comme étant son « prêtre
», celui qui le sacralise, qui conduit la matière vers l’esprit
; il est comme la clé qui permettra à l’univers d’atteindre
la « stature du Christ dans sa plénitude » (Eph. 4 : 13),
cet Oméga de l’Apocalypse vers qui tend toute chose.
Mes frères et sœurs, cette tâche dépasse –
et de loin – nos préoccupations écologiques, elle dépasse
– et de loin – la simple préservation de notre héritage
naturel. Rendons grâce à Dieu de nous l’avoir donné
à accomplir !
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