[...]
" En Russie, pendant la révolution, cette rénovation
des icônes et des coupoles a été vécue comme
les prémices, à terme inconnu, d'une révolution
spirituelle de l'Église. J'ai vu moi-même pendant un office,
se faire la rénovation d'une icône : pendant un laps de
temps relativement court, s'est opérée une transformation
spontanée qui, normalement, aurait exigé du temps et du
travail. Le temps était aboli. C'est un phénomène
historique auquel on peut appliquer l'explication que l'on veut, mais
je crois qu'il symbolise une réalité très profonde
et typique de la théologie orthodoxe : la possibilité
d'une transfiguration".
Devenu l'évêque Jean, premier évêque de l'Église
orthodoxe de France, Evgraf avait souhaité utiliser cette concordance
symbolique autour du 1e` mai, devenu jour de la "Fête du
travail" des hommes, pour en faire la fête du travail des
anges, ces énergies présentes dans l'invisible, qui, sous
ses yeux, avaient nettoyé les icônes et les toits des églises.
Il n'en a pas eu le temps mais il a sanctifié ce jour férié
civil en dédiant la liturgie du 1er mai à Notre-Dame-du-Travail.
Et il a peint sur un panneau de plus d'un mètre carré,
une grande icône représentant la Vierge tenant largement
écartés les pans de son manteau sur lesquels apparaissent,
dans des médaillons, les principaux corps de métiers.
Il pensait alors l'offrir aux Compagnons du Tour de France.
Par association d'idée à ces réflexions de Maxime
qui tente une explication du fait miraculeux, me revient ici l'homélie
que lui-même, comme diacre, avait faite le ler dimanche après
Pâques de 1982, en commentaire de l'apparition du Christ aux disciples
(Jean XX, 19-31). Il disait : "La vie nouvelle qu'apporte le Christ
est une ouverture sur une nouvelle voie où plus rien n'est fermé.
Le texte évangélique rapporte que les apôtres se
trouvant dans une pièce aux portes fermées, le Christ
y pénètre en personne, et en montrant ses plaies, il manifeste
qu'il n'est pas une vision de l'esprit, mais un "Corps transfiguré",
un corps nouveau devant lequel cèdent toutes les résistances
matérielles telles que nous croyons les connaître.
"Et qu'est-ce que "la matière" ? Saint Maxime-leConfesseur,
au Vlème siècle, la définit comme "la condensation
du spirituel", comme un ensemble d'énergies qui offrent
une résistance. Or, dans le monde transfiguré, il n'y
a plus de résistance. Tous les êtres se donnant en plein
amour..., il n'y a aucune raison pour que cette matière ne puisse
pas être traversée par un "corps glorieux" ".
Quand je lui demandais sous quelle forme il concevait la vie dans l'au-delà,
cette réalité au-delà de l'apparence, il ne cherchait
pas à formuler d'explication qui serait née de raisonnements
intellectuels ou de rêveries visionnaires. Il disait simplement
: "On ne sait pas...". Il faisait confiance à Dieu.
Il
ne savait pas, mais disait en d'autres circonstances : "Le réel
n'est pas rationnel. Et cette matière qui, à nos sens
et à notre raison humaine, paraît être la réalité
par sa forme et sa résistance (et il frappait la table du plat
de la main), la science physique ne nous enseigne-t-elle pas qu'elle
est pleine de vide, de même qu'apparaît à nos yeux
le cosmos infini, parsemé d'astres? Pourquoi serait-il impossible
à un corps transfiguré de circuler dans ce vide entre
les particules que des énergies maintiennent à leurs places
respectives ?".