Homélie
prononcée le 1er juillet 2007 à Gorze
à l’occasion de la fête de saint Thiébault
de Provins et des ordinations.
Filles
et fils bien-aimés,
Nous
venons d’ordonner un lecteur et de bénir des chantres et
des iconographes ; tout à l’heure je vais ordonner un nouveau
diacre. Prions pour eux tous, car en priant pour eux c’est pour
nous-mêmes que nous prions puisque nous ne sommes qu’un seul
corps.
L’ordination et la bénédiction sont les moyens par
lesquels l’Eglise grandit - l’ordination n’est pas une
promotion personnelle, ni une récompense - L’Eglise est un
corps vivant, un organisme, elle fabrique les organes dont elle a besoin
: les ordres sacrés, les chantres, les iconographes… L’Esprit
Saint suscite dans l’Eglise les charismes qui lui sont nécessaires
pour le bénéfice du corps tout entier, et même les
charismes pour les fonctions les plus humbles « celui qui allume
et celui qui éteint… » Il existe d’ailleurs des
fonctions secrètes, des organes si discrets mais indispensables
: ceux qui prient dans le secret de leurs cœurs et qui sont «
les poumons de l’Eglise » selon l’expression bien connue,
je veux parler des moines et des moniales.
Aujourd’hui nous célébrons particulièrement
l’un d’eux : Thiébault de Provins, Thiébault
l’ermite, Thiébault le solitaire. Cela va me donner l’occasion
de vous parler un peu de la spiritualité monastique.
Le mot même de MOINE vient du grec MONOS et signifie UN SEUL, un
tout seul ; le moine en effet est celui qui vit seul, qui prie seul :
à l’origine même du monachisme il y a le désert.
Saint Antoine, le premier des moines, « l’inventeur »
du monachisme a vécu seul pendant de nombreuses années,
et saint Paul de Thèbes, le premier ermite a - dit-on - passé
sa vie entière dans la solitude totale. Pourquoi des hommes se
retirent-ils loin de leurs semblables ? Ermites, solitaires, reclus, anachorètes…
Tous ces termes recouvrent une même réalité : la fuite
du monde, le retrait du commerce des hommes. Pourquoi ? Par mépris
du monde ? Par haine des hommes ? Certains misanthropes le font pour ces
motifs, et ils sont bien malheureux. Non, écoutons plutôt
saint Arsène, – abba Arsène – l’un des
plus célèbres anachorètes d’Egypte. L’un
des moines de Scété lui demandait : « Arsène
pourquoi nous fuis-tu ? Et l’ancien lui répondit : «
Dieu sait que je vous aime, mais je ne puis être avec Dieu et avec
les hommes. Les myriades des incorporels ont une seule volonté
tandis que les hommes ont des volontés multiples. Je ne puis donc
laisser Dieu pour aller avec les hommes. »
Ecoutons encore saint Benoît, à propos des ermites. Il dit,
dans le premier chapitre de sa Règles : « Les ermites n’en
sont plus à la nouveauté de la ferveur religieuse…
Ils sont capables de soutenir le combat singulier du désert ; assez
forts, sans le soutien d’autrui, ils peuvent, Dieu aidant, avec
leurs seules mains et leurs seuls bras, entreprendre le combat contre
les faiblesses du corps et de la pensée. » Autrement dit,
étant seul avec Dieu seul, ils tirent de cette exclusive la force
de merner à son achèvement le travail de l’unité
intérieure… Ils réunissent dans une parfaite harmonie
le corps, l’âme et l’esprit. Par cette unité,
cette réunification de l’être, ils parviennent à
la ressemblance divine : ils deviennent semblables au Fils par l’obéissance,
à l’Esprit par l’humilité et au Père
par l’Amour. Les hommes et les femmes qui réussissent cette
« intégrale intégration » sont véritablement
MOINE - MONOS - UNIFIÉS. Ils accumulent alors pour l’Eglise
les trésors de la grâce du Christ, ils attirent les dons
de l’Esprit Saint et l’Amour de Dieu le Père. De telles
vocations sont exceptionnelles, mais l’exemple de tels hommes peuvent
nous servir dans notre vie personnelle. Imitons-les dans une certaine
mesure en faisant nôtre ce désir d’union à Dieu.
Saint Thiébault fut, sans aucun doute, l’un de ceux-là
qui réussit cette union et nous bénéficions aujourd'hui
encore de sa prière purifiée et purifiante.
Grâce en soit rendue à Dieu, à qui soit tout honneur
et toute gloire aux siècles des siècles.
Amen.
+
Grégoire


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