Réponse
à ceux qui s'interrogent
sur la réalité de l'expression d'une foi orthodoxe occidentale
Cher
Père Thierry,
Peu
de temps après la visite que je vous ai rendue à la paroisse
il y a quelques semaines, j’ai eu une discussion avec deux prêtres
orthodoxes byzantins et quelques-uns de leurs paroissiens. Durant notre
échange, ils ont assez fermement marqué leur distance
par rapport à vous.
En
bref, ce qu’ils reprochent à l’Eglise orthodoxe des
Gaules serait une spiritualité empreinte d’éléments
étrangers à la foi chrétienne orthodoxe authentique.
Au centre de votre approche, il n’y aurait plus le soucis du «
Salut » mais d’un bien-être. Votre revendication pour
une expression occidentale de la foi orthodoxe ne serait qu’une
manière de construire votre propre religion, manifester un esprit
de désobéissance et nourrir un fort Ego. Tous vos choix
et préférences (hérésies) vous auraient
ainsi conduit à vous séparer (plusieurs fois) du reste
du monde orthodoxe (Coptes, Russes...), déchirant ainsi davantage
le Corps du Christ.
Afin
de m’aider dans mon propre discernement, j’aimerais beaucoup
savoir ce que vous pourriez répondre à ces différents
reproches.
Amicalement,
S.
Cher
ami,
Il
est bon de s’interroger.
Nous
sommes effectivement des chercheurs de Dieu et d’un langage, certes
fidèle aux Ecritures et aux Pères (la Tradition), mais
audible aux hommes désorientés d’aujourd’hui.
Nous mettons d’autres accents. Je dis toujours à nos visiteurs
« sachez où vous mettez les pieds ». Je précise
avec soin que nous ne sommes pas (encore ?) reconnus par les patriarcats
orientaux. Un jour peut-être ? Nos mains sont ouvertes. (Et chez
eux il y a quand même quelques rares mais grandes figures qui
nous encouragent à sauver notre liturgie ainsi que l’Orthodoxie
occidentale, quitte à subir médisances et critiques).
L’avenir dira si nous avons été des pionniers ou
non. Cela appartient au Seigneur.
Que
Dieu bénisse vos interlocuteurs. Ils croient bien faire, soucieux
de protéger l’intégrité de la foi. Mais ils
jugent un peu vite… et disent un peu n’importe quoi. C’est
dommage car ils se font ainsi du mal à eux-mêmes. Les grands
spirituels ne jugent pas.
C’est
sûr que nous sommes pécheurs. J’aimerais que vos
interlocuteurs nous parlent directement, au nom de la correction fraternelle.
On peut toujours se tromper ; nous sommes prêts à être
questionnés, mais pas sur la base de racontars un peu ridicules.
En effet, plusieurs de leurs allégations sont fausses. Je souris
à l’idée de nous voir qualifiés de spécialistes
du Feng Shui (J’aimerais bien mais hélas je ne sais pas
bien ce que c’est !).
Une
seule chose est parfaitement vraie dans ce que vous avez entendu : nous
avons tenté de convaincre les Russes puis les Coptes de notre
existence en tant qu’Orthodoxes occidentaux, célébrant
la Liturgie de nos ancêtres. Chaque fois, un réflexe ethnocentrique
l’a finalement emporté et on nous interdisait la célébration
de notre rite ! Pourtant les anciens canons l’affirment : dans
l’Eglise il y a unité de foi mais diversité de rites.
Force est de constater que les Orthodoxes orientaux n’observent
pas ce principe… Je vous invite à lire le texte de présentation
de notre identité, qui retrace les événements auxquels
vos interlocuteurs ont fait allusion. Il se trouve dans le fond de notre
chapelle sous le titre « Qui sommes nous ? ».
Derrière
cette méfiance et les accusations imaginaires il y a leur difficulté
à comprendre que l’Orthodoxie n’est pas liée
exclusivement à l’Orient (avec son admirable culture byzantine).
Elle est la foi universelle issue du Christ et des chrétiens
des origines. Les chrétiens orientaux ne sont pas les «
propriétaires » de l’Orthodoxie, même s’il
faut leur être très reconnaissants d’en avoir été
les gardiens héroïques pendant des siècles difficiles.
On peut comprendre leur souci de fidélité. Mais pour nous
le sens de la Tradition ne veut pas dire stagnation ni confusion avec
une culture en particulier.
Le
sens de la Tradition veut dire obéissance, à savoir écoute
respectueuse des Anciens (les Pères) et des grandes Eglises d’aujourd’hui.
Donc humilité, certes, mais aussi ouverture audacieuse à
l’Esprit Saint. C’est en son Souffle que Tradition et évolution/renouvellement
se marient. Or là est la clef de la vitalité de la Tradition,
et de son caractère vivifiant ici et maintenant.
Nous,
Orthodoxes occidentaux, témoignons en somme de l’universalité
de l’orthodoxie, non pas comme appareil ecclésiastique
autoritaire (et très lié aux ethnies, au nationalisme)
mais comme la grande Tradition de l’Eglise indivise (avant le
schisme catastrophique), ferment d’un renouveau pour tous les
Chrétiens. Eglise pour le monde, et pour tout le monde, y compris
des occidentaux.
Ce
qui nous nourrit c’est la spiritualité de l’Eglise
indivise, terme que je finis par préférer à «
orthodoxie » tant celui-ci devient enfermant voire intégriste
dans la bouche de certains. C’est dommage, à l’époque
où l’Europe et le monde ont soif de sens et de retournement
(metanoia).
Si
vous voulez, on peut en parler à l’aise. Nous pourrions
parler du Christ, de l’Incarnation, de la Croix et de la Résurrection,
et surtout de la Divine Trinité, c’est beaucoup plus intéressant
que les questions d’appareils ecclésiastiques. C’est
en ce sens que je vous encourage à nous fréquenter afin
de vous forger une opinion personnelle.
Je
vous remercie de votre sincérité et vous adresse mon cordial
bonjour en priant l’Esprit qu’Il vous guide là où
coule pour vous l’Eau vive promise par le Christ.
P.
Jean-Thierry