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LA PRIERE DU CŒUR par Père Martin de Cochem

CHAPITRE DEUXIEME
COMBIEN IL FAUT PRIER

Quand l’Esprit-Saint exhorte à la prière, il ne fixe ni époque ni durée, mais il la veut continuelle : « Que rien ne vous détourne de prier sans cesse, car la récompense est éternelle » . Par l'organe de saint Paul, il dit encore : « C'est la volonté de Dieu que vous priiez sans cesse » . « Persévérez et veillez dans la prière, en raccompagnant d'actions de grâces » . « Notre-Seigneur dit lui-même : Priez sans cesse, afin que vous soyez jugés dignes d'échapper aux maux à venir » . « Il faut toujours prier et ne jamais cesser de le faire » . Il faut, renferme un ordre formel du Seigneur, en sorte que la prière n'est pas une œuvre facultative, mais un devoir strict. Cependant prier sans cesse, ne signifie pas être uniquement occupé à la prière; ce que le Seigneur demande, c'est simplement de prier quand nous en avons la liberté, c'est-à-dire quand notre travail, nos devoirs d'état, notre santé le permettent.

Saint Bernard s'écrie dans l'ardeur de son âme : « O mes frères, ne cessez pas de prier. Priez jour et nuit, maniez sans cesse les armes de la prière; la prière ne. doit jamais s'éloigner de vous. Gémissez et soupirez en tout temps; levez-vous la nuit pour prier et, quand vous aurez fermé les yeux quelques instants, priez de nouveau, car la prière est le moyen tout puissant de vaincre la faiblesse de l'esprit, c'est elle qui nous mènera le plus rapidement à la perfection. Ce moyen doit être mis en usage sans relâche, comme la sentinelle est postée sans interruption à la garde de la forteresse. »

David chantait : « Béni soit le Seigneur de n'avoir jamais écarté de moi, ni la prière, ni sa miséricorde » . Ce qui fait dire à saint Augustin : « Tout le temps de la vie nous devons demander à Dieu de ne pas nous enlever la prière ni sa miséricorde, c'est-à-dire la grâce de prier sans cesse et de trouver sans cesse miséricorde à ses yeux. Beaucoup, en effet, prient avec assiduité au moment de leur conversion; bientôt la tiédeur succède au zèle des premiers jours; enfin, l'indifférence les gagne comme si leur salut était déjà fait. Pauvres âmes, quand elles s'apercevront que la prière leur a été ôtée, elles pourront tenir pour certain que la miséricorde divine s'est détournée d'elles. »

Bien des personnes réputées pieuses devraient réfléchir sur cette remarque du saint évêque d'Hippone. Prier peu et mal passer le temps dans l'oisiveté, à parler ou à dormir, ce sont là autant d'indices que Dieu se retire peu à peu, pour nous abandonner tout à fait, si nous ne changeons de vie. Quant aux âmes généreuses, qui, elles, ne cessent d'élever vers le ciel la ferveur de leurs prières, elles peuvent être assurées que Dieu versera dans leur sein en abondance ses bienfaits incomparables.

C'est pourquoi saint Augustin, avec les autres Pères, font de si grands éloges de la prière constante. Elle élève le cœur vers Dieu, garde l'âme en sa sainte présence, lui obtient des grâces insignes et dispose le Souverain Maître à prêter son secours contre la chair et le démon. Souvent, elle unit l'âme à Dieu aussi intimement que le fait la contemplation parfaite.

Vous me demanderez : Faut-il donc ne pas faire autre chose que prier? Ne doit-on pas travailler, lire, écrire, étudier, enseigner, veiller aux affaires? N'en doutez pas, il faut s'occuper à tout cela, mais il faut s'en occuper en priant, c'est-à-dire, tandis que vous lisez, travaillez, étudiez, enseignez, tandis que vous êtes au milieu des affaires, tournez souvent votre cœur vers le Père céleste et dites-lui : « Mon Dieu, ayez pitié de moi! Mon Dieu, ne m'abandonnez pas! Seigneur, tenez mon travail pour agréable! » Ces oraisons jaculatoires ou autres semblables, vous pouvez les répéter à chaque instant et en sorte que celui avec qui vous parlez, travaillez ou marchez ne s'en aperçoit même pas. Voilà l'union de l'action à la prière. Si vous n'entretenez pas ainsi l'esprit de prière et que vous vous contentiez de prier à certaines heures du jour ou de la nuit, vous sentirez peu à peu votre ferveur se refroidir, jusqu'à ce qu'elle disparaisse tout à fait. Cette habitude de l'oraison jaculatoire maintient et augmente la ferveur; elle tient allumé sur l'autel de noire cœur le feu sacré de l'amour divin, car à chaque soupir vers Dieu vous en activez la flamme, comme par un nouveau morceau de bois jeté au foyer.

C'est ainsi qu'il faut entendre ce qui est rapporté des anciens Pères : ils priaient sans cesse. Les apôtres saint Jacques et saint Barthélémy fléchissaient le genou plusieurs centaines de fois dans l'espace d'un jour et d'une nuit; le même trait se lit dans la vie de saint Patrice et de plusieurs vénérables ermites. Saint Apollinaire priait cent fois le jour et autant la nuit; une pieuse vierge arrivait jusqu'à sept cent fois. Sainte Angèle s'agenouillait mille fois le jour, accompagnant chaque génuflexion d'une oraison jaculatoire, et l'Eglise chante de saint Martin : « Il tenait sans cesse les yeux et les mains levés vers le ciel, et son esprit invincible n'abandonnait jamais la prière. »

Ainsi, « l'oraison jaculatoire est si précieuse pour l'acquisition rapide de la perfection, que tous les saints et tous les hommes spirituels l'ont tenue en haute estime. En effet, quand ce feu brûle dans notre âme, le péché en est consumé, le vice anéanti. Ces soupirs ardents nous détachent graduellement du monde, nous rendent semblables à Dieu et nous unissent à lui. Par leur moyen les tentations sont repoussées, les vertus acquises, l'entendement illuminé de clartés célestes; l'intention se purifie, la volonté s'affermit, l'âme devient plus apte à la contemplation, l'homme entier se perd en Dieu. On appelle également bien ces prières « flèches d'amour », parce qu'elles s'élancent, rapides comme la flèche, sur le Cœur de Jésus, le blessent et en font découler ses grâces adorables » . Ne croyez pas que de telles faveurs soient réservées aux esprits éminents, aux illustres saints que nous avons cités. Bien loin de là. L'habitude de prier toujours et partout a conduit à la plus haute perfection des paysans, des artisans, des domestiques qu'aucun maître spirituel n'avait instruits, qui n'ont jamais su ni lire, ni écrire et parmi lesquels beaucoup passaient leur vie dans des déserts ou au fond des forêts; car le précepte du divin Maître : « Il faut prier sans cesse », oblige tous les hommes.
Cependant, ce commandement est mal observé; en général, les chrétiens ne songent même pas à le mettre en pratique, bien qu'on le puisse si facilement. Les meilleurs ne se contentent-ils pas de quelques formules récitées du bout des lèvres? Or. par cette négligence, ils refusent à Dieu la gloire qui lui est due, la joie qu'ils devraient lui causer, et se portent à eux-mêmes un grand préjudice, car ils restent toute leur vie de misérables pécheurs, sans vertu, sans progrès dans la vie spirituelle. Je ne sais de quel œil Dieu regarde ces pauvres âmes, je crains qu'il ne les estime pas beaucoup.
Par contre, la prière constante, quand même elle ne serait pas accompagnée de toutes les autres bonnes oeuvres, ni de grandes mortifications, rend l'âme agréable à Dieu, et lui fait obtenir plus promptement, après la mort, cette miséricorde qu'elle a tant de fois implorée par l'ardeur et la fréquence de ses soupirs.

Imitons donc les exemples qui nous sont proposés, notre profit au ciel et sur la terre sera double : là-haut notre couronne sera plus précieuse; ici-bas, nos affaires marcheront mieux. Pensez seulement au nombre de péchés qu'une prière ainsi continuée ferait éviter, et à la quantité de tentations dont elle préserverait. C'est à elle qu'il faut appliquer ce passage de la Règle de notre séraphique Père saint François : « Que les frères s'appliquent à des ouvrages convenables et d'une utilité commune, et cela avec fidélité et dévotion, de telle sorte qu'en évitant l'oisiveté ennemie de l'âme, ils ne laissent jamais s'éteindre l'esprit de sainte oraison auquel doivent être subordonnées toutes les affaires temporelles » .

Joindre la prière au travail, ou plutôt transformer le travail en prière par l'oraison jaculatoire, voilà quel doit être l'objet de notre constante application. Soyez assuré qu'en récompense de ce soin, le Saint-Esprit opérera en vous de grandes choses et que, de pauvre pécheur, vous deviendrez l'ami privilégié du Dieu tout-puissant.




     
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